Toute la Résistance dans sa poche ?

Intégrée à la Fondation de la Résistance depuis 2012 mais née au début des années 1990, l’Association pour des Etudes sur la Résistance intérieure s’est toujours distinguée par un goût prononcé pour les technologies du numérique et les vecteurs innovants de transmission. On se rappelle entre autres de son ambitieux projet de cédéroms départementaux, belle initiative malheureusement rendue caduque par la rapidité avec laquelle ce support est devenu obsolète. Néanmoins, comment ne pas voir une certaine filiation dans l’application « Lieux de mémoire » que cette structure vient de lancer, outil disponible sur Apple et Androïd Store ?

Une interface certes un peu vieillotte mais avant tout extrêmement efficace. Et c’est bien cela le plus important !

Tenant à la fois de la base de données des monuments aux morts lancée par l’IRHIS et du défi 1 jour 1 poilu de par sa dimension collaborative, ce programme se veut être « un outil interactif de découverte et d’enrichissement » de l’histoire de la Résistance. Le principe est simple et se décompose en deux étapes. La première, qui assurément concernera le plus grand monde, consiste en une découverte de plusieurs centaines de lieux de mémoire de la Résistance. Géolocalisées, plaques et stèles s’affichent sur le terminal et sont accompagnées de courtes notices présentant le contexte historique auxquelles elles se rapportent.

L’AERI bénéficie de ses nombreux réseaux dans les départements et la base est déjà conséquente. Pour autant, il est évident qu’elle ne recense pour l’heure qu’une infime part des plaques et stèles dédiées à la mémoire de la Résistance en France. Et c’est là qu’intervient le second temps de cette application, celui qui propose aux utilisateurs d’ajouter eux-mêmes d’autres lieux de mémoire et d’ainsi enrichir la base. On voit aisément toutes les possibilités pédagogiques d’un tel outil et il y a fort à parier que l’application – gratuite – soit à la base de nombreux projets scolaires. Développée à partir de Google Maps, elle est simple d’utilisation, malgré une certaine austérité de l’interface. Très ergonomiques, les smartphones permettent d’ailleurs de gagner en souplesse d’utilisation et se montrent, de ce point de vue, particulièrement agréables d’emploi, et efficaces.

Bien entendu, une telle application, pour louable qu’elle est, n’est pas sans biais. On pourra à raison rappeler combien une telle démarche participe de la confusion des genres entre mémoire et histoire, la plaque, qui est par essence une expression du souvenir, pouvant difficilement rendre compte de l’intégralité d’une histoire qui est d’autant plus difficile à retranscrire qu’elle est, par définition, clandestine. Cette dimension est par ailleurs particulièrement présente dans les notices rendant compte du contexte historique entourant ces lieux de mémoire. Si ces textes, d’excellente facture du reste, rappellent très bien ce qui est commémoré, ils ne disent en revanche rien des cadres sociaux qui portent cette mémoire : qui est à l’origine de la pose de cette plaque ? Quelles réactions a-t-elle suscitées voire même suscite-t-elle encore ?

Saint-Pol de Léon: monument aux déportés et fusillés. Carte postale. Collection particulière.

A n’en pas douter, c’est là l’indispensable valeur ajoutée de l’enseignant que de rappeler cette distinction fondamentale entre histoire et mémoire, ce d’autant plus que les programmes y incitent. Réelles, ces réserves ne doivent pour autant pas masquer tout l’intérêt d’un tel outil. On se doit d’ailleurs de souligner combien une telle application est novatrice ce qui, on l’a dit, renvoie pour l’AERI a une véritable tradition dans la recherche de médias numériques innovants. Bref, un outil prometteur…

Erwan LE GALL